Akwaa : si jeune et déjà mère

Article : Akwaa : si jeune et déjà mère
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17 juin 2016

Akwaa : si jeune et déjà mère

Salut chers lecteurs,

Je suis togolais et je vis dans un quartier de Lomé du nom de Bè-Klikamé, plus précisément à un endroit qu’on surnomme « Kpédévikomé ». Quel est le sens de ce nom ? L’histoire que je vais vous raconter apporte une réponse à cette question.

Voici l’histoire d’Akwaa, une fille de mon quartier.

Akwaa est jeune et très belle. Quand elle avait 11 ou 12 ans, sa mère l’envoyait souvent acheter de la glace chez nous. Je nous revois encore, mon grand frère et moi, faire des blagues à son sujet du genre : « Quand elle sera grande nous nous livrerons un duel pour savoir lequel de nous deux l’épousera » ! Comme toute fille de son âge, elle passait l’essentiel de son temps à jouer, le regard plein d’innocence et le sourire à redonner vie aux âmes en peine.

Mais depuis quelque temps, plusieurs semaines, Akwaa n’est plus venu acheter de la glace chez nous. Je me suis d’abord dis qu’elle était peut-être partie en vacances, mais cela n’était pas cohérent car on était en pleine période de cours. Je me suis ensuite dis qu’elle était peut-être gravement malade, mais je n’ai pas poussé la curiosité plus loin. Un jour, lors d’une discussion avec ma mère, celle-ci me fit part d’une nouvelle choquante. Elle s’exprima en ces termes : « Est-ce que toi aussi tu as appris que la petite qui venait acheter la glace ici est tombée enceinte ? ». « Non ! » répondis-je incrédule « tu parles de quelle petite fille ? » , « Akwaa ! » répondit-elle. A ce moment précis, je ressentis un frisson me parcourir des cheveux aux orteils. J’étais horrifié, scandalisé, j’ai essayé de nier la réalité en me disant que c’était une fausse rumeur ou une blague. Il est vrai qu’en Afrique on n’aime faire courir les rumeurs mais on évite de blaguer sur des sujets aussi sensibles. Après m’être informé auprès d’autres personnes dans le quartier, j’avais reçu confirmation : Akwaa était bien tombée grosse. Pour le cacher aux habitants du quartier, sa mère, qui était seule à s’occuper d’elle (le père étant absent), avait pris la décision de l’envoyer vivre chez son oncle jusqu’à ce que la grossesse arrive à terme.

Si jeune et déjà mère ! Un homme lui avait pris son innocence, elle qui était à peine pubère. L’homme en question n’a pas été retrouvé condamnant ainsi Akwaa à élever son enfant seule. Akwaa a finalement accouché d’une fille, par césarienne car elle était incapable d’accoucher par voie basse à son âge.Pourra-t-elle rêver du prince charmant un jour, comme elle le voit souvent dans les feuilletons des Tele Novelas ? Pourra-t-elle un jour confier son cœur à un homme ? Et est-il normal de se poser ce genre de question au sujet d’une une fille de son âge ?!

En réalité Akwaa est un cas parmi tant d’autres dans mon quartier…. En effet, dans mon quartier il y a plein de jeunes filles mères, la majorité sont des d’adolescentes de 14 à 17 ans. Une des conséquences , c’est que mon quartier est bourré de petits enfants qui jouent sur les voies, d’où son nom de « Kpédévikomé » ou pouponnière.

A quoi peut bien être dû ce phénomène, ce nombre de jeunes mères qui ne cesse d’augmenter dans mon quartier ?

Après réflexion, j’ai trouvé quelques réponses :

  • L’absence d’éducation sexuelle dans la vie familiale et dans le programme scolaire (due au fait que le sexe demeure un sujet tabou dans la culture africaine).
  • Certaines mentalités africaines qui refusent toujours le port de préservatifs et l’utilisation des méthodes contraceptives.
  • La pauvreté qui pousse des jeunes filles à s’abandonner à des hommes fortunés plus âgés qu’elles mais qui malheureusement ne veulent prendre aucun engagement avec elles.

Pour ce qui est des conséquences :

  • Nombre de ces jeunes mères abandonnent les études et se mettent à la recherche d’un métier pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Dans mon quartier, elles sont nombreuses à être couturières, coiffeuses, revendeuses de nourritures…
  • Pour celles qui ne veulent pas travailler, la prostitution demeure une option rapide. Elles s’exposent ainsi encore à des grossesses non désirées qui pourraient les conduire à l’avortement ou encore à des MST.

Vu l’impact négatif qu’a ce phénomène dans nos sociétés, je me suis demandé s’il n’y avait pas des solutions de prise en charge des jeunes mères. Dans mes recherches, j’ai trouvé une association au Togo, « Les Enfants d’Avedji », qui a pour objectif de promouvoir le droit à la scolarisation et à la formation des jeunes filles touchées par des grossesses précoces, dans tout le pays et plus particulièrement à Lomé. Pour plus d’informations suivre le lien suivant. Juste à côté du Togo, au Burkina Faso, le Centre d’Accueil et de Réinsertion de la Mère et de l’Enfant CARMEN Kisito s’occupe de la prise en charge et de la réinsertion sociale des jeunes mères isolées et en difficulté. Pour plus de détails suivre le lien suivant

Et vous chers lecteurs, connaissez-vous le même phénomène dans votre pays ?

Avant de terminer cet article, je vous invite à porter dans vos cœurs toutes les femmes qui, comme Akwaa, ont renoncé à l’avortement et ont accepté de donner vie au prix de leur vie.Car, à mon sens, donner la vie à un être, que ce soit voulu ou non, demeure une grâce, un don de la nature et un sujet de joie.

 

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Commentaires

Natacha
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Hummm Kpédévikomé, trop de mères jeunes....... cette histoire de sexe "sujet tabou", il faut vraiment qu'on en parle à nos enfants, c'est à nous parent de le faire découvrir la vie sexuelle en brisant le silence sur ce sujet, il faut qu'on en parle sérieusement dans les familles, dans les écoles, il faut qu'on aille au-délà de ce sujet considéré toujours tabou en Afrique.

dodo
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C'est vrai qu'il faut briser le silence sur le sujet

Wézou
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Reste à trouver le moyen pour que les parents puissent engagé la discussion sans problème. N'oublions pas que certains parents reste souple dans l'éducation des enfants.

lotié
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je pense que les parents au Togo font ce qu'ils peuvent pour mieux encadrer les jeunes filles, mais ces cas de grossesse arrivent toujours. s'agissant des centres s'occupant de l'action sociale, dans certains pays, la cohésion sociale et la question de l'insertion relèvent de la compétence des départements, donc des collectivités territoriales. il se pose alors la question de la décentralisation. pour résoudre la question de la cohésion sociale, il faut une bonne organisation au niveau des collectivités locales. partant, il faut un financement et des personnes pour diriger. je pense que si il y a une bonne organisation au sein de chaque collectivité locale, cette question sera résolue. Quid de la décentralisation au TOGO?